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Titre : Le nain astronome Type de document : texte imprimé Auteurs : Chet Raymo (1938?-....) Editeur : Paris : Belfond Année de publication : 2004 Collection : Littératures étrangères Importance : 385 p. Format : 23 cm ISBN/ISSN/EAN : 2-7144-4104-1 Catégories : 600 Histoire de L'astronomie - Vulgarisation:600-5 Littérature Index. décimale : 600-5 Littérature Résumé : *************************************************
Lire les pages : 158-159
*************************************************
pour moi, comme un fil interminable. Et je me rappelais Emma. Ma bouche remuait. Je m'efforçais de parler.
70
Regardez avec attention la photographie de Tony Hanks sur la jaquette de mon livre. Vous apercevrez un bout de la lunette, l'oculaire et le cylindre ; le reste disparaît derrière une pile de livres posée par terre, tout à gauche des jambes de l'auteur. La lunette gît là depuis qu'en 1972 une bourrasque l'a fait basculer du toit. L'objectif est brisé, l'optique déboîtée. Je compte faire restaurer l'instrument sur mes droits d'auteur : Jack Kelly est mort, ce sera une sorte de mémorial que je
lui érigerai.
J'observe peu à la lunette ou au télescope. Je préfère la
nuit comme elle se présente à l'?il nu ; à la rigueur, je me
munis d'une paire de jumelles. Mais la lunette de Jack m'aura
donné de grandes joies. Le soir même où il m'en fit présent,
je la mis en station sur le toit. J'orientai l'objectif vers ce point
de l'horizon où j'avais vu paraître la lune la nuit d'avant. Puis
j'attendis l'heure de son lever, que j'avais lue dans le Cork
Examiner : vingt-trois heures deux. A vingt-trois heures pile
je portai mon ?il à l'oculaire. Lorsque la lune parut, ce fut
d'abord par son côté d'ombre ; il se trouvait au-dessus de
l'horizon depuis bientôt une minute lorsque je m'aperçus de
sa présence. Il y eut alors un brusque scintillement sur la crête
des collines lointaines, comme si une sorte d'activité humaine
y avait pris place, une fête païenne de bûchers et de torches.
La partie éclairée de la lune surgissait, et le terminateur, la
ligne de partage entre le jour et la nuit lunaires, dériva peu
à peu dans mon champ de vision, dans un contraste éblouissant ; l'oculaire s'emplit d'une lueur d'ambre. Il me sembla qu'un rideau se levait sur une merveilleuse machine de théâtre, la scène d'un opéra grandiose. Un pan de lumière surgissait tout droit du sol; non, pas tout droit, il s'élevait en glissant vers le sud, tandis que la magie de la lunette m'en dévoilait les détails : la mer de la Sérénité, les monts Hémus et Caucase, inondés de soleil. Les cirques défilaient : Platon, Archimède, Ptolémée, Tycho : la surface criblée d'impacts d'un corps qui s'est conservé inchangé depuis la violence initiale de sa création. Le disque entier s'arrachait à l'horizon ; l'ombre maladive du cratère Grimaldi passa devant mes yeux. Il me semblait que des heures avaient passé, mais l'apparition fut presque instantanée. Le lever de lune prit en tout moins d'une minute ; la lunette dilatait les durées en même temps que l'espace. Lorsque tout fut fini, j'enlevai mon ?il de l'oculaire, et l'astre rétrécit aussitôt aux dimensions d'un lointain point de lumière. Le temps s'accéléra. Je retombai contre les ardoises du toit pentu, à bout de forces, apeuré. La lune avait surgi devant moi, comme la Dame du Lac des eaux sombres, comme Titania au sortir d'un sommeil enchanté. J'aurais tout donné pour partager ce que je venais de voir. Mais avec qui ? J'étais seul.
71
Roger Manning aspirait à une vie rangée. Il avait trente-quatre ans ; à chaque anniversaire ses verres s'épaississaient, ses cheveux grisonnaient, ses épaules lui étaient douloureuses lorsqu'il dormait. Un tic était apparu sur l'une de ses joues. Il était amoureux.
Note de contenu : AFrank Bois, le narrateur, a 43 ans et mesure 43 pouces, - un mètre vingt. C'est un nain. Un accident génétique. Il est né de Bernadette, belle et dangereuse comme la nuit. Française d'origine, elle s'est installée en Irlande à la fin de la seconde guerre mondiale, et les hommes se pressent autour d'elle.
Un soir de son enfance, l'amant de sa mère l'emmène sur le toit de leur maison et lui explique le ciel étoile. Le garçon est étreint par la beauté de l'Univers. Face à cette beauté et à celle des femmes, son propre corps lui apparaît comme un blasphème.
La vie de Frank Bois est un festival de rencontres étonnantes : avec Jack Kelly, à qui il doit la découverte des étoiles ; avec ses filles si belles -surtout la prodigieuse, la stupéfiante Emma - ; avec Terry, l'Américain amoureux de sa mère et qui voulait que Frank devienne son fils adoptif ; avec le trop séduisant pasteur Roger Mulligan, lui aussi amant de Bernadette... Tout cela tisse la trame d'un roman passionnant de bout en bout, drôle, corrosif, et tout compte fait optimiste. Mais le nain Frank Bois, c'est aussi une métaphore grâce à laquelle l'auteur explore de façon éblouissante l'idée de beauté. Car Frank a écrit' un livre - une méditation sur la beauté des étoiles - qui est publié et devient un grand succès. Son agent littéraire et son attachée de presse (Jennifer, une très belle jeune femme) misent, chacun dans son registre, sur le spectacle d'un nain qui a écrit un chef-d'?uvre. L'épreuve est dure, cruelle parfois, mais Frank en sortira vainqueur.
Chet Raymo, cinquante-cinq ans, est professeur de physique et d'astronomie à Stonehill Collège (Massachusetts). Il a publié et illustré plusieurs ouvrages d'astronomie et de géologie pour le grand public et son premier roman est paru en 1990.
Le nain astronome [texte imprimé] / Chet Raymo (1938?-....) . - Paris : Belfond, 2004 . - 385 p. ; 23 cm. - (Littératures étrangères) .
ISBN : 2-7144-4104-1
Catégories : 600 Histoire de L'astronomie - Vulgarisation:600-5 Littérature Index. décimale : 600-5 Littérature Résumé : *************************************************
Lire les pages : 158-159
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pour moi, comme un fil interminable. Et je me rappelais Emma. Ma bouche remuait. Je m'efforçais de parler.
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Regardez avec attention la photographie de Tony Hanks sur la jaquette de mon livre. Vous apercevrez un bout de la lunette, l'oculaire et le cylindre ; le reste disparaît derrière une pile de livres posée par terre, tout à gauche des jambes de l'auteur. La lunette gît là depuis qu'en 1972 une bourrasque l'a fait basculer du toit. L'objectif est brisé, l'optique déboîtée. Je compte faire restaurer l'instrument sur mes droits d'auteur : Jack Kelly est mort, ce sera une sorte de mémorial que je
lui érigerai.
J'observe peu à la lunette ou au télescope. Je préfère la
nuit comme elle se présente à l'?il nu ; à la rigueur, je me
munis d'une paire de jumelles. Mais la lunette de Jack m'aura
donné de grandes joies. Le soir même où il m'en fit présent,
je la mis en station sur le toit. J'orientai l'objectif vers ce point
de l'horizon où j'avais vu paraître la lune la nuit d'avant. Puis
j'attendis l'heure de son lever, que j'avais lue dans le Cork
Examiner : vingt-trois heures deux. A vingt-trois heures pile
je portai mon ?il à l'oculaire. Lorsque la lune parut, ce fut
d'abord par son côté d'ombre ; il se trouvait au-dessus de
l'horizon depuis bientôt une minute lorsque je m'aperçus de
sa présence. Il y eut alors un brusque scintillement sur la crête
des collines lointaines, comme si une sorte d'activité humaine
y avait pris place, une fête païenne de bûchers et de torches.
La partie éclairée de la lune surgissait, et le terminateur, la
ligne de partage entre le jour et la nuit lunaires, dériva peu
à peu dans mon champ de vision, dans un contraste éblouissant ; l'oculaire s'emplit d'une lueur d'ambre. Il me sembla qu'un rideau se levait sur une merveilleuse machine de théâtre, la scène d'un opéra grandiose. Un pan de lumière surgissait tout droit du sol; non, pas tout droit, il s'élevait en glissant vers le sud, tandis que la magie de la lunette m'en dévoilait les détails : la mer de la Sérénité, les monts Hémus et Caucase, inondés de soleil. Les cirques défilaient : Platon, Archimède, Ptolémée, Tycho : la surface criblée d'impacts d'un corps qui s'est conservé inchangé depuis la violence initiale de sa création. Le disque entier s'arrachait à l'horizon ; l'ombre maladive du cratère Grimaldi passa devant mes yeux. Il me semblait que des heures avaient passé, mais l'apparition fut presque instantanée. Le lever de lune prit en tout moins d'une minute ; la lunette dilatait les durées en même temps que l'espace. Lorsque tout fut fini, j'enlevai mon ?il de l'oculaire, et l'astre rétrécit aussitôt aux dimensions d'un lointain point de lumière. Le temps s'accéléra. Je retombai contre les ardoises du toit pentu, à bout de forces, apeuré. La lune avait surgi devant moi, comme la Dame du Lac des eaux sombres, comme Titania au sortir d'un sommeil enchanté. J'aurais tout donné pour partager ce que je venais de voir. Mais avec qui ? J'étais seul.
71
Roger Manning aspirait à une vie rangée. Il avait trente-quatre ans ; à chaque anniversaire ses verres s'épaississaient, ses cheveux grisonnaient, ses épaules lui étaient douloureuses lorsqu'il dormait. Un tic était apparu sur l'une de ses joues. Il était amoureux.
Note de contenu : AFrank Bois, le narrateur, a 43 ans et mesure 43 pouces, - un mètre vingt. C'est un nain. Un accident génétique. Il est né de Bernadette, belle et dangereuse comme la nuit. Française d'origine, elle s'est installée en Irlande à la fin de la seconde guerre mondiale, et les hommes se pressent autour d'elle.
Un soir de son enfance, l'amant de sa mère l'emmène sur le toit de leur maison et lui explique le ciel étoile. Le garçon est étreint par la beauté de l'Univers. Face à cette beauté et à celle des femmes, son propre corps lui apparaît comme un blasphème.
La vie de Frank Bois est un festival de rencontres étonnantes : avec Jack Kelly, à qui il doit la découverte des étoiles ; avec ses filles si belles -surtout la prodigieuse, la stupéfiante Emma - ; avec Terry, l'Américain amoureux de sa mère et qui voulait que Frank devienne son fils adoptif ; avec le trop séduisant pasteur Roger Mulligan, lui aussi amant de Bernadette... Tout cela tisse la trame d'un roman passionnant de bout en bout, drôle, corrosif, et tout compte fait optimiste. Mais le nain Frank Bois, c'est aussi une métaphore grâce à laquelle l'auteur explore de façon éblouissante l'idée de beauté. Car Frank a écrit' un livre - une méditation sur la beauté des étoiles - qui est publié et devient un grand succès. Son agent littéraire et son attachée de presse (Jennifer, une très belle jeune femme) misent, chacun dans son registre, sur le spectacle d'un nain qui a écrit un chef-d'?uvre. L'épreuve est dure, cruelle parfois, mais Frank en sortira vainqueur.
Chet Raymo, cinquante-cinq ans, est professeur de physique et d'astronomie à Stonehill Collège (Massachusetts). Il a publié et illustré plusieurs ouvrages d'astronomie et de géologie pour le grand public et son premier roman est paru en 1990.
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