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Le Ciel / Jean Henri FABRE
Titre : Le Ciel Type de document : texte imprimé Auteurs : Jean Henri FABRE, Auteur Langues : Français (fre) Catégories : 600 Histoire de L'astronomie - Vulgarisation:600-3 L'astronomie à travers les âges Mots-clés : histoire Index. décimale : 600-3 L'Astronomie à travers les âges Note de contenu : La vulgarisation de l'Astronomie : Jean-Henri Fabre
Les nébuleuses
Nous retrouvons, pour une seconde et dernière fois, notre astronome dilettante dans un chapitre de son ouvrage de vulgarisation « Le Ciel ».
L'extrait que nous avons choisi est consacré aux « nébuleuses », terme que l'on employait à l'époque pour désigner tout objet diffus de la voûte céleste, quelle qu'en soit la nature. Le terme de nébuleuse est aujourd'hui réservé aux seuls objets gazeux, comme la nébuleuse d'Orion ou la nébuleuse annulaire de la Lyre. A l'époque de Fabre, le terme s'appliquait aussi aux galaxies extérieures, et on parlait par exemple de la Grande Nébuleuse d'Andromède ou de la nébuleuse des Chiens de Chasse. Il faut dire que la nature des « nébuleuses extragalactiques » commençait seulement à être comprise par les astronomes, qui entrevoyaient l'existence d'un Univers bien autrement grandiose que celui dont ils avaient rêvé jusqu'alors. Si le philosophe Emmanuel Kant avait, dès 1755, introduit de façon purement spéculative l'idée que beaucoup des nébuleuses observées étaient en fait des univers-îles extérieurs à la Voie Lactée - concept remis à la mode par Alexander von Humboldt en 1845 -, pendant très longtemps aucune donnée observationnelle n'était venue étayer cette hypothèse.
Au début du XXe siècle, de nombreux astronomes militaient encore pour « l'hypothèse nébulaire », introduite par Laplace en 1798, qui voyait dans les tourbillons des « nébuleuses spirales » des systèmes solaires en formation. Ce n'est qu'en 1923, avec la découverte de céphéides dans la « nébuleuse » d'Andromède par Edwin Hubble, à l'oculaire du plus grand télescope du monde, le télescope de 100 pouces du Mont Wilson, et l'utilisation de la relation période-luminosité, établie depuis peu (1913) par Henrietta Leavitt pour les céphéides des Nuages de Magellan, que la vérité éclata au grand jour : la nébuleuse d'Andromède est distante de la Terre d'environ un million d'années-lumière, une distance bien trop grande pour qu'elle puisse faire partie de la Voie Lactée ! Dès 1925, de nouvelles données, incluant des mesures relatives à 10 céphéides, portaient cette distance à environ 3 millions d'années-lumière.
L'édition dont est tiré l'extrait qui suit date de 1931, et il est donc naturel que Fabre ait pris acte des derniers développements de l'astronomie. Mais voici que vient le calme du soir, qu'il serait dommage de troubler par de plus longs discours : laissons donc la parole à Jean-Henri Fabre...
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« Par une nuit sereine, qui n 'a remarqué cette écharpe lumineuse, pareille à une traînée de vapeurs phosphorescentes, qui ceint le ciel d'un bout à l'autre ? Les astronomes l'appellent la Voie lactée ; le vulgaire, le chemin de Saint-Jacques. Junon, à ce que racontait l'antiquité, allaitait un jour Hercule enfant. Quelques gouttes du lait divin s'échappèrent des lèvres du nourrisson, et, s'épandant sur la voûte céleste, formèrent la Voie lactée, la voie du lait. La science a conservé le mot des rêveries antiques ; mais elle a, pour la prétendue traînée de lait, une explication bien autrement majestueuse. Vous allez en juger.
À la vue simple, la Voie lactée a l'aspect d'un léger brouillard lumineux , disposé en bande très irrégulière. Elle fait le tour entier du ciel, qu 'elle divise en deux parties à peu près égales. Dans notre hémisphère, on la suit l'hiver à travers les constellations de Cassiopée, de Persée, du Cocher, tout près de la Chèvre ; dans le voisinage d'Orion, dont elle couvre la massue ; enfin à proximité de Sirius. En été, de Cassiopée, elle se dirige à travers le Cygne et l'Aigle. À partir du Cygne, elle se divise en deux branches, qui se rejoignent dans le ciel austral près d'Alpha du Centaure. Ainsi partagée en deux arcs sur la moitié de sa longueur et réduite à un seul dans l'autre, elle peut être comparée à une bague, dont le filet métallique se dédouble et laisse une place vide pour enchâsser une pierre précieuse. Réduit à ses seules forces, l'?il ne peut nous en apprendre davantage sur la Voie lactée. Le télescope va nous dire le reste.
Si l'instrument est dirigé vers un point quelconque du chemin de lait, aussitôt des milliers de points brillants apparaissent là où le regard n 'apercevait d'abord qu 'une vague lueur. C'est, à la lettre, une fourmilière d'étoiles, un entassement de soleils. Vue à distance, la plage des mers confond ses grains de sable en une bande uniforme ; de près, elle se résout en incalculables myriades de grains séparés ; ainsi de la Voie lactée. De loin ou à la vue simple, c 'est une traînée de clartés laiteuses ; de près, c 'est-à-dire sous l'?il du télescope, c 'est un prodigieux amoncellement d'étoiles distinctes. On dirait la plage de quelque océan céleste, qui, pour grains de sable, amoncellerait des soleils. Lorsque Herschell étudiait cette merveille du ciel, le télescope employé n 'étendait le champ de vision que sur une surface équivalente au quart du disque de la Lune ; et, dans une aire si restreinte, les étoiles pourtant se comptaient par 300, 400, 500, jusqu'à 600. Six cents étoiles pour un tout petit coin de la Voie lactée égal au quart du disque de la Lune, deux mille quatre cents pour une étendue représentée par le disque complet ! À peine en voyons-nous autant sans lunette sur la voûte entière du ciel.
Dans le champ du télescope immobile, les étoiles se renouvelaient sans cesse, entraînées par leur rotation apparente. Herschell essaya de les compter. Il estima qu 'en un quart d'heure 116 000 étoiles défilaient sous ses yeux ! Il estima que le recensement total s'élèverait au moins à 18 millions.
La Voie lactée est-elle ce que dit tout d'abord le télescope : une couronne de soleils entassés par millions ; ou bien est-elle la perspective d'une couche uniforme de soleils, au sein de laquelle nous nous trouverions nous-mêmes ? Un exemple expliquera ma pensée.
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Supposons une fine brume qui repose sur le sol tout autour de nous avec une épaisseur d'une dizaine de mètres. Du milieu de ce brouillard, indéfiniment étendu dans le sens horizontal, bientôt borné dans le sens vertical, quelles sont pour nous les apparences ? - Au-dessus de nos têtes, le regard plonge presque sans obstacle, à cause de la faible épaisseur de la brume ; il ne rencontre qu 'un petit nombre de particules de vapeur, et le bleu du ciel nous apparaît à peine terni. Dans le sens horizontal, au contraire, la vue embrasse, suivant toutes les directions, des files indéfinies de particules brumeuses, qui se superposent en perspective commune, et, par cette superposition, s'épaississent autour du spectateur en un cercle nuageux plus ou moins opaque. Ainsi donc une couche uniforme de vapeur, invisible pour nous dans le sens de sa moindre dimension, peut dessiner autour de nous, dans le sens de ses plus grandes dimensions, une zone circulaire de nuages. Le cercle vaporeux qui cercle d'ordinaire l'horizon en réalité n 'a pas d'autre origine. L'horizon n 'est pas brumeux plus que le lieu où nous sommes, mais c'est là que se superposent en perspective les vapeurs uniformément répandues sur le sol.
Cela compris, imaginons, avec Herschell, que des millions et des millions d'étoiles, à peu près également distantes entre elles, soient disposées en amas aplati, en couche ou meule de peu d'épaisseur relativement à ses incommensurables dimensions dans les autres sens. Ce sera, pour nous servir d'une image empruntée à l'exemple qui précède, un brouillard de soleils, bientôt limité dans son épaisseur, immense dans sa longueur et sa largeur. Notre soleil est une des étoiles de la couche ; nous occupons un point intérieur de la meule stellaire. Alors tout s'explique. Si le regard est dirigé à travers la mince épaisseur de la couche, il ne rencontre qu'un petit nombre d'étoiles, et le ciel nous apparaît dégarni dans cette direction. S'il plonge suivant la largeur de la couche, il rencontre, il côtoie tant d'étoiles, que celles-ci, superposées en perspective, semblent se toucher et se confondre en une lueur laiteuse continue. De la sorte, les plus grandes dimensions de la meule de soleils se trouvent dessinées autour de nous sur le firmament par une ceinture d'étoiles accumulées, comme les plus grandes dimensions d'une couche de brume sont accusées par une zone circulaire de nuages. La Voie lactée est donc la perspective, suivant ses plus grandes profondeurs, de la couche aplatie d'étoiles dont nous faisons partie ; c'est en quelque sorte un horizon embrumé de soleils.
La Grande Nébuleuse d'Andromède.
6Le Ciel [texte imprimé] / Jean Henri FABRE, Auteur . - [s.d.].
Langues : Français (fre)
Catégories : 600 Histoire de L'astronomie - Vulgarisation:600-3 L'astronomie à travers les âges Mots-clés : histoire Index. décimale : 600-3 L'Astronomie à travers les âges Note de contenu : La vulgarisation de l'Astronomie : Jean-Henri Fabre
Les nébuleuses
Nous retrouvons, pour une seconde et dernière fois, notre astronome dilettante dans un chapitre de son ouvrage de vulgarisation « Le Ciel ».
L'extrait que nous avons choisi est consacré aux « nébuleuses », terme que l'on employait à l'époque pour désigner tout objet diffus de la voûte céleste, quelle qu'en soit la nature. Le terme de nébuleuse est aujourd'hui réservé aux seuls objets gazeux, comme la nébuleuse d'Orion ou la nébuleuse annulaire de la Lyre. A l'époque de Fabre, le terme s'appliquait aussi aux galaxies extérieures, et on parlait par exemple de la Grande Nébuleuse d'Andromède ou de la nébuleuse des Chiens de Chasse. Il faut dire que la nature des « nébuleuses extragalactiques » commençait seulement à être comprise par les astronomes, qui entrevoyaient l'existence d'un Univers bien autrement grandiose que celui dont ils avaient rêvé jusqu'alors. Si le philosophe Emmanuel Kant avait, dès 1755, introduit de façon purement spéculative l'idée que beaucoup des nébuleuses observées étaient en fait des univers-îles extérieurs à la Voie Lactée - concept remis à la mode par Alexander von Humboldt en 1845 -, pendant très longtemps aucune donnée observationnelle n'était venue étayer cette hypothèse.
Au début du XXe siècle, de nombreux astronomes militaient encore pour « l'hypothèse nébulaire », introduite par Laplace en 1798, qui voyait dans les tourbillons des « nébuleuses spirales » des systèmes solaires en formation. Ce n'est qu'en 1923, avec la découverte de céphéides dans la « nébuleuse » d'Andromède par Edwin Hubble, à l'oculaire du plus grand télescope du monde, le télescope de 100 pouces du Mont Wilson, et l'utilisation de la relation période-luminosité, établie depuis peu (1913) par Henrietta Leavitt pour les céphéides des Nuages de Magellan, que la vérité éclata au grand jour : la nébuleuse d'Andromède est distante de la Terre d'environ un million d'années-lumière, une distance bien trop grande pour qu'elle puisse faire partie de la Voie Lactée ! Dès 1925, de nouvelles données, incluant des mesures relatives à 10 céphéides, portaient cette distance à environ 3 millions d'années-lumière.
L'édition dont est tiré l'extrait qui suit date de 1931, et il est donc naturel que Fabre ait pris acte des derniers développements de l'astronomie. Mais voici que vient le calme du soir, qu'il serait dommage de troubler par de plus longs discours : laissons donc la parole à Jean-Henri Fabre...
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« Par une nuit sereine, qui n 'a remarqué cette écharpe lumineuse, pareille à une traînée de vapeurs phosphorescentes, qui ceint le ciel d'un bout à l'autre ? Les astronomes l'appellent la Voie lactée ; le vulgaire, le chemin de Saint-Jacques. Junon, à ce que racontait l'antiquité, allaitait un jour Hercule enfant. Quelques gouttes du lait divin s'échappèrent des lèvres du nourrisson, et, s'épandant sur la voûte céleste, formèrent la Voie lactée, la voie du lait. La science a conservé le mot des rêveries antiques ; mais elle a, pour la prétendue traînée de lait, une explication bien autrement majestueuse. Vous allez en juger.
À la vue simple, la Voie lactée a l'aspect d'un léger brouillard lumineux , disposé en bande très irrégulière. Elle fait le tour entier du ciel, qu 'elle divise en deux parties à peu près égales. Dans notre hémisphère, on la suit l'hiver à travers les constellations de Cassiopée, de Persée, du Cocher, tout près de la Chèvre ; dans le voisinage d'Orion, dont elle couvre la massue ; enfin à proximité de Sirius. En été, de Cassiopée, elle se dirige à travers le Cygne et l'Aigle. À partir du Cygne, elle se divise en deux branches, qui se rejoignent dans le ciel austral près d'Alpha du Centaure. Ainsi partagée en deux arcs sur la moitié de sa longueur et réduite à un seul dans l'autre, elle peut être comparée à une bague, dont le filet métallique se dédouble et laisse une place vide pour enchâsser une pierre précieuse. Réduit à ses seules forces, l'?il ne peut nous en apprendre davantage sur la Voie lactée. Le télescope va nous dire le reste.
Si l'instrument est dirigé vers un point quelconque du chemin de lait, aussitôt des milliers de points brillants apparaissent là où le regard n 'apercevait d'abord qu 'une vague lueur. C'est, à la lettre, une fourmilière d'étoiles, un entassement de soleils. Vue à distance, la plage des mers confond ses grains de sable en une bande uniforme ; de près, elle se résout en incalculables myriades de grains séparés ; ainsi de la Voie lactée. De loin ou à la vue simple, c 'est une traînée de clartés laiteuses ; de près, c 'est-à-dire sous l'?il du télescope, c 'est un prodigieux amoncellement d'étoiles distinctes. On dirait la plage de quelque océan céleste, qui, pour grains de sable, amoncellerait des soleils. Lorsque Herschell étudiait cette merveille du ciel, le télescope employé n 'étendait le champ de vision que sur une surface équivalente au quart du disque de la Lune ; et, dans une aire si restreinte, les étoiles pourtant se comptaient par 300, 400, 500, jusqu'à 600. Six cents étoiles pour un tout petit coin de la Voie lactée égal au quart du disque de la Lune, deux mille quatre cents pour une étendue représentée par le disque complet ! À peine en voyons-nous autant sans lunette sur la voûte entière du ciel.
Dans le champ du télescope immobile, les étoiles se renouvelaient sans cesse, entraînées par leur rotation apparente. Herschell essaya de les compter. Il estima qu 'en un quart d'heure 116 000 étoiles défilaient sous ses yeux ! Il estima que le recensement total s'élèverait au moins à 18 millions.
La Voie lactée est-elle ce que dit tout d'abord le télescope : une couronne de soleils entassés par millions ; ou bien est-elle la perspective d'une couche uniforme de soleils, au sein de laquelle nous nous trouverions nous-mêmes ? Un exemple expliquera ma pensée.
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Supposons une fine brume qui repose sur le sol tout autour de nous avec une épaisseur d'une dizaine de mètres. Du milieu de ce brouillard, indéfiniment étendu dans le sens horizontal, bientôt borné dans le sens vertical, quelles sont pour nous les apparences ? - Au-dessus de nos têtes, le regard plonge presque sans obstacle, à cause de la faible épaisseur de la brume ; il ne rencontre qu 'un petit nombre de particules de vapeur, et le bleu du ciel nous apparaît à peine terni. Dans le sens horizontal, au contraire, la vue embrasse, suivant toutes les directions, des files indéfinies de particules brumeuses, qui se superposent en perspective commune, et, par cette superposition, s'épaississent autour du spectateur en un cercle nuageux plus ou moins opaque. Ainsi donc une couche uniforme de vapeur, invisible pour nous dans le sens de sa moindre dimension, peut dessiner autour de nous, dans le sens de ses plus grandes dimensions, une zone circulaire de nuages. Le cercle vaporeux qui cercle d'ordinaire l'horizon en réalité n 'a pas d'autre origine. L'horizon n 'est pas brumeux plus que le lieu où nous sommes, mais c'est là que se superposent en perspective les vapeurs uniformément répandues sur le sol.
Cela compris, imaginons, avec Herschell, que des millions et des millions d'étoiles, à peu près également distantes entre elles, soient disposées en amas aplati, en couche ou meule de peu d'épaisseur relativement à ses incommensurables dimensions dans les autres sens. Ce sera, pour nous servir d'une image empruntée à l'exemple qui précède, un brouillard de soleils, bientôt limité dans son épaisseur, immense dans sa longueur et sa largeur. Notre soleil est une des étoiles de la couche ; nous occupons un point intérieur de la meule stellaire. Alors tout s'explique. Si le regard est dirigé à travers la mince épaisseur de la couche, il ne rencontre qu'un petit nombre d'étoiles, et le ciel nous apparaît dégarni dans cette direction. S'il plonge suivant la largeur de la couche, il rencontre, il côtoie tant d'étoiles, que celles-ci, superposées en perspective, semblent se toucher et se confondre en une lueur laiteuse continue. De la sorte, les plus grandes dimensions de la meule de soleils se trouvent dessinées autour de nous sur le firmament par une ceinture d'étoiles accumulées, comme les plus grandes dimensions d'une couche de brume sont accusées par une zone circulaire de nuages. La Voie lactée est donc la perspective, suivant ses plus grandes profondeurs, de la couche aplatie d'étoiles dont nous faisons partie ; c'est en quelque sorte un horizon embrumé de soleils.
La Grande Nébuleuse d'Andromède.
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